Mon avis :
Dans le climat ambiant de morosité, de violence et d'incompréhension face aux politiques actuelles, j'avais envie de retrouver un peu de positif dans ce monde de brutes !
Seulement ça commence mal car l'auteur nous dresse d'abord l'état des lieux, le constat de dégradation globale de notre planète, de la nature et des êtres vivants. Constat forcément déprimant, que l'on connaît, mais il faut bien partir de là pour comprendre la nécessité d'agir.
Il nous rappelle la légende du colibri relayée par Pierre Rabhi, et le mouvement qu'ils ont créé. Et on se rend vite compte que faire sa part ne suffit pas...
"On vous répète à l’envi que prendre une douche plutôt qu’un bain permettra d’économiser les ressources hydriques de la planète ? En réalité, 92 % de l’eau utilisée sur la planète l’est par l’agriculture (70 %) et l’industrie (22 %)."
Les stratégies individuelles ne suffisent pas et les politiques ne font rien.
"Les responsables politiques sont réduits à gérer la réalité, ils n’ont plus la capacité de l’orienter. La complexité est devenue trop grande. Ils sont en perpétuelle adaptation. Certains s’obstinent pourtant à essayer d’obtenir des résultats. D’autres rendent les armes et se concentrent sur ce qui est atteignable : garder le pouvoir. Pour cela, ils orientent leurs politiques en fonction des enquêtes d’opinion et des opportunités."
"Le pouvoir n’est plus vraiment entre les mains de ceux qui prétendent le détenir et monopolisent l’attention lors des spectacles électoraux."
Ce qu'il propose, c'est une coopération entre les citoyens et les élus :
"Pour engager des transformations politiques d’envergure, les citoyens ont besoin de responsables politiques courageux, qui ont eux-mêmes besoin de citoyens par millions pour les soutenir. Derrière chaque belle histoire de responsables politiques qui engagent des mutations démocratiques, écologiques ou sociales, on trouve des stratégies de coopération."
Le mécanisme des "récits" est parfaitement expliqué : comment nos croyances, notre éducation, notre culture, mettent en place des constructions mentales qui nous conditionnent et nous empêchent de penser autrement. Il faudra être suffisamment nombreux à vouloir construire de nouveaux récits, de nouvelles histoires pour qu'ils deviennent une nouvelle norme !
"L’ensemble de nos constructions individuelles et collectives est une succession de fictions, de croyances qui ont évolué au fil des siècles et bouleversé notre perception du monde."
"De tout temps, un faisceau d’histoires, de croyances a permis aux sociétés de se souder autour
de récits communs, qu’il s’agisse de Dieu, de royaumes, de l’infériorité d’êtres par rapport à d’autres (les femmes par rapport aux hommes, les Noirs par rapport aux Blancs…), du pouvoir absolu de symboles (l’argent aujourd’hui en est un particulièrement puissant) ou d’ennemis contre lesquels il fallait se rassembler."
"Ainsi, ces réalités “intersubjectives”, de par leur capacité à mettre en mouvement un nombre exceptionnel d’individus dans un processus de coopération, ont donné naissance aux États, aux systèmes politiques, à la technologie, à l’économie et aux monnaies, aux religions…"
"On peut avancer que le récit de la société libérale, capitaliste, consumériste moderne s’est élaboré et transmis de façon relativement similaire. Soutenu par une myriade de films, d’articles, de livres et de publicités qui l’ont fait triompher du récit communiste. Avant de remporter une victoire politique, les tenants du consumérisme débridé ont d’abord remporté une bataille idéologique et culturelle, une bataille de l’imaginaire. Il fallut donner un visage à ce monde nouveau, le rendre profondément désirable pour que le génie créatif et la force de travail de centaines de millions d’Occidentaux (dopés aux énergies fossiles) se mettent au service de ce projet et lui donnent corps. Avec l’espoir que cette entreprise rendrait leurs vies meilleures. Ce qui, à de nombreux égards, fut le cas, aux dépens de pays largement pillés et d’espèces vivantes sacrifiées."
"Que pèse une campagne d’ONG face à des millions de messages contraires délivrés chaque jour par les marques, les chaînes, les “influenceurs” de toutes sortes qui inondent les réseaux sociaux ? Que pèse un post de Greenpeace International sur Instagram (628 000 followers) appelant à agir pour le climat, contre un post de Kim Kardashian (105 millions de followers) appelant à acheter son nouveau gloss à paillettes ? Approximativement 10 000 likes contre 2 millions."
"Nous avons besoin de récits qui nous rassemblent, nous permettent de coopérer et donnent du sens à notre vie en commun. Mais ces récits, ces fictions ne sont que des outils, pas des vérités ou des buts en soi. Si nous l’oublions, nous déclenchons des guerres politiques, économiques, religieuses, dans l’objectif de défendre des concepts qui n’existent que dans notre imagination. Nous pillons les ressources, éradiquons les espèces au nom d’histoires, de fictions. Il y a dans cette idée quelque chose de tragique. Dès lors, pourquoi ne pas décider d’en élaborer d’autres ?"
Il se demande ce qui fait tenir la fiction actuelle, et fait le constat chiffré de la répartition de notre temps, assez édifiante.
"En 2017, un Français consacre en moyenne chaque jour de la semaine, cinq heures trente à travailler, huit heures à regarder des écrans, sept heures à dormir, une ou deux heures à manger, une heure et demie à se déplacer et le reste à vaquer à des occupations diverses."
Dans cette société de consommation, nous sommes dépendants à l'argent, nous devons travailler pour pouvoir tout payer, rembourser nos crédits, nous sommes enchaînés.
Le divertissement, tous écrans confondus, nous prend 8 heures par jour hors temps de travail !! Avec toutes les perturbations que cela induit, manque de concentration, troubles du sommeil, problèmes psychologiques, dépression, isolement...
Se pose ensuite la question de la démocratie et des lois. Pour en arriver à la fâcheuse mais bien réelle conclusion que les citoyens que nous sommes n'avons absolument aucun pouvoir entre 2 élections, si nos élus ne nous satisfont pas.
"Plus notre travail est pénible et peu épanouissant, plus nous nous sentons impuissants et découragés par la politique et plus nous avons tendance à nous réfugier dans le giron rassurant et coloré des smartphones, téléviseurs et autres tablettes pour nous “divertir”."
Le livre a été écrit bien avant le mouvement des gilets jaunes mais il illustre très bien, à la lumière des exemples d'autres mouvements, pourquoi ça ne fonctionne pas. L'impulsion de départ était bonne, elle a été suivie, mais au final, ça ne peut pas déboucher sur quelque chose car il n'y a pas de projet concret au bout. Sans compter le manque de coordination et d'organisation.
"Une poignée de personnes bien organisées peut prendre le dessus sur des millions qui ne le sont pas."
"La plupart des stratégies adoptées par les militants du climat, de la biodiversité ou des inégalités sont généralement partielles, segmentées, parfois spectaculaires mais sans vision de long terme. Elles manquent de leaders et, surtout, impliquent rarement une coopération entre élus, entrepreneurs et citoyens…"
"Dans nos organisations humaines, les quelques personnes capables de produire des récits suffisamment puissants pour entraîner derrière elles des millions d’autres, capables de créer ou de modifier les architectures (l’argent, la loi, le web…), détiennent le pouvoir. C’est ainsi qu’une toute petite minorité d’humains peut dominer une infinité d’autres. Elle a en main les règles du jeu. Jusqu’à ce que la majorité silencieuse prenne conscience qu’en se regroupant, en faisant bloc, elle peut les bouleverser."
Alors quoi faire ? Heureusement il nous oriente vers les solutions :
"Ce dont nous avons instamment besoin est de changer de récit et de nous organiser. Et, ainsi, d’aiguiller la fourmilière humaine dans une autre direction. Chaque heure perdue ou volée à nous débattre dans les méandres de nos écrans, chaque journée passée à augmenter la productivité d’une entreprise dont l’activité n’a rien à voir avec le genre de monde que nous voulons construire, chaque achat que nous faisons, chaque repas que nous préparons, chacun de nos déplacements, chaque moment passé avec d’autres, chacun de nos choix sont autant d’opportunités que nous pouvons saisir. Du temps que nous pouvons regagner sur notre vie et utiliser pour construire une autre réalité."
Et c'est là que se posent les initiatives positives, tous ces gens qui se bougent pour construire un système différent, avec d'autres valeurs et d'autres mécanismes de pensées.
"Choisir est épanouissant. Inventer est fichtrement excitant. Sortir du conformisme renforce l’estime de soi. Être bien dans ses baskets est contagieux. Résister en ce début de XXIe siècle commence donc, selon moi, par refuser la colonisation des esprits, la standardisation de l’imaginaire." Ce sont toutes ces initiatives positives qui voient le jour un peu partout qu'il faut trouver, diffuser, partager pour montrer que c'est possible de le faire, que c'est encourageant et salutaire ! Tout le monde a des exemples près de chez soi : c'est ce paysan boulanger qui cultive des blés anciens en bio, qui fait sa farine et son pain, dans un circuit de distribution court ; c'est la cantine de cette école qui passe aux produits bios et locaux ; c'est cet entrepreneur qui invente une machine pour recycler le plastique...Et c'est là que chacun peut faire sa part car c'est l'invention, la mise en place et la propagation de ces nouveaux systèmes qui permettra de changer celui dont on ne veut plus.
"Chaque jour est une petite bataille à mener. Une opportunité de créer une autre réalité. Et cela commence aujourd’hui."
Ce petit manuel est très enrichissant par ses nombreuses références et son explication des mécanismes qui fondent notre société et notre façon de penser. Il propose la méditation, l'altruisme, l'empathie, la reconnexion à la nature pour se déconnecter de ces schémas, ce qui souligne bien que c'est d'abord en se changeant soi-même que l'ont peut changer le monde, il faut faire cet effort d'adopter un autre point de vue pour modifier des comportements dictés et programmés dès notre enfance. Tant de choses restent à inventer...😊
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