Ce livre était dans ma PAL depuis déjà
longtemps, il en est sorti parce qu'une rencontre avait été
organisée avec l'auteur à Chartuzac le 10 novembre par notre petite
association Les P'tits Loisirs Chartuzacais.
La question qu'on se pose toujours en
lisant ce genre de livres, c'est quelle est la part de vérité
historique et de roman. La note finale nous l'explique déjà mais
Judith a pu approfondir.
Marguerite est un personnage qui a
réellement existé, tout comme les lieux et les autres personnages
cités, tous les noms ont été conservés.
L'histoire se déroule en 1768. Après
un an de deuil suite à la mort de son père, Marguerite va passer la
veillée de la Chandeleur chez des cousins, elle boit un peu de vin,
et ose soutenir le regard d'un jeune homme qui lui plait bien, alors
qu'une jeune femme doit baisser les yeux. Il la raccompagne très
galamment et elle lui dit innocemment qu'elle est seule à la maison,
sa marâtre étant sortie, que le verrou de sa fenêtre ne ferme pas
et qu'elle n'est pas rassurée car des voleurs sévissent dans les
parages. Marguerite a perdu sa mère très jeune, elle a été élevée
par son père, personne ne lui a jamais expliqué « les choses
de la vie ». Il faut vraiment comprendre ce contexte-là parce
qu'elle est tellement naïve et innocente que ça nous paraît
incroyable ! A cette époque, on ne montrait pas de tendresse ni
d'affection entre parents et enfants, ni dans les couples, et rien ne
se disait.
L'information du verrou ne tombe pas
dans l'oreille d'un sourd, et Jean Mesnard va entrer dans la nuit par
sa fenêtre et la violer. Elle ne comprend pas ce qui se passe et
croit qu'il la demandera en mariage plus tard. Marguerite va bien se
rendre compte que son sang ne coule plus tous les mois mais elle ne
s'en soucie pas trop, elle a déjà vécu des arrêts suite à un
choc ou au temps...Même quand elle va grossir, c'est à cause des
fèves qu'elle a mangé, ou de la rétention d'eau...Quand les femmes
du village commencent à lui dire qu'elle est « grosse »
(enceinte), elle s'en défend et dit que ce ne sont que de mauvaises
langues. Mais à l'époque, il fallait faire une déclaration de
grossesse auprès du procureur pour être en règle et celles qui ne
le faisaient pas pouvaient être accusées d'infanticide si l'enfant
était mort-né ou mourait peu après la naissance.
Marguerite va accoucher d'un enfant
mort-né, qu'elle va vouloir faire disparaître au lavoir.
Mais les femmes ne sont pas tendres
entre elles, au contraire, ce sont les premières à la dénoncer
après son accouchement. Elle sera condamnée à être pendue...
Précision apportée par Judith : C’est
un édit promulgué en 1556 par le roi Henri II qui obligeait toute
femme veuve ou célibataire à déclarer son état de grossesse sous
peine d'être poursuivie en crime d'infanticide en cas de décès de
l'enfant.
Le déni de grossesse est un sujet qui
est tristement revenu dans l'actualité depuis quelques années. Ici,
on voit Marguerite passer de la naïveté au déni, car même quand
toutes les femmes lui disent et que la matrone l'examine et le
confirme, ce n'est toujours pas possible pour elle.
Le roman met en avant la condition
féminine de cette époque ; la femme n'était rien. Il fallait être
mariée et faire des enfants, toutes les autres étaient condamnables
! Celle qui était célibataire était mal vue, celle qui tombait
enceinte sans être mariée ou promise était une catin...
La déclaration de grossesse était un
acte dégradant pour celles qui devaient s'y soumettre : il fallait
avouer avoir connu un homme, ou avoir été abusée, donner son nom
pour qu'une enquête soit ouverte...mais sans témoins, on laissait
l'homme tranquille, il n'était pas reconnu coupable, pas obligé
d'épouser la femme ou de lui verser quelque chose.
Judith a eu accès aux archives des
minutes du procès de Marguerite et c'est ainsi qu'elle a pu
reconstituer toute son histoire. Dans son malheur, Marguerite aura eu
la chance de rencontrer un avocat sensible à sa cause, c'est une
exception.
C’est un livre poignant qui nous
montre que les femmes étaient condamnées à être malheureuses,
seulement parce qu’elles étaient des femmes. Elles devaient se
soumettre à un monde d’hommes, une justice d’hommes. Pas de place pour les rêves et les sentiments, la moindre incartade pouvait être fatale !
Judith Rapet est aussi l'auteur de Michelle la Rebelle, La rançon des amants aux éditions Souny
Merci Judith pour cette rencontre enrichissante !!
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